Étant plongé dans la plus grande oisiveté qu’il soit possible d’imaginer, la majorité de ses journées étant parfaitement improductives et inutiles au développement de la société française, l’esprit du stagiaire inoccupé commença à vagabonder. L’ennui, propice à la réflexion profonde, de grandes questions vinrent rapidement l’assaillir. Il se demanda comment une société pouvait tourner si bien tout en abritant des gens de son espèce. Ce n’était pas qu’il souhaita se retrouver dans une telle situation mais il y avait été placé bien malgré lui par la force des choses en s’y habituant petit à petit. Bref, pour que la société avance tout de même si loin, se dit-il, c’était sûrement parce que des gens travaillaient beaucoup. Il fallait compenser ceux qui, comme lui, ne faisaient pas grand-chose. Il tint alors en immense respect tous ses compatriotes, bien qu’il ne les connût pas, en les remerciant sincèrement de leurs efforts quotidiens emplis d’abnégation. Il développa presque une forme d’admiration pour ces gens qui faisaient des choses, qui suaient à la tâche bien qu’il eût une idée très vague de ce qu’elle pouvait être. Ces hommes et femmes ne devaient pas restés inconsidérés ! On ne leur avait pas encore donné tous les honneurs qu’ils méritaient, pensa-t-il en s’échauffant. Il entreprit alors d’écrire un poème de célébration à leur égard, un poème dont le lyrisme atteindrait des monts proportionnellement aussi élevés à la charge de travail abattue par ses héroïques concitoyens. Alors qu’il s’apprêtait à donner la première touche à son grand œuvre il fût soudain tiré de son essentiel rêverie par un amical collègue. Une certaine tâche ou même plusieurs car, à-vrai-dire, il ne comprenait pas vraiment de quoi il était question et il aurait été fort difficile de savoir si le flou provenait de sa faculté de compréhension ou de la qualité d’explication de son collègue, nécessitait sa prise en charge immédiate. Il dut donc remettre l’écriture de son poème à plus tard. De toute manière, il aurait bien le temps de s’en charger un jour prochain, se dit-il.
