Il passa le portail.
De fins fils de soie striaient les herbes, c’étaient les toiles d’araignée, qui brillaient au soleil.
Plus loin, la rose trémière, qui pliait sous son poids, se balançait au vent.
Par terre, les feuilles sombres du prunus tachetaient le sol. Motif fauviste.
La maisonnette de son père, un escargot accroché à la porte caillée, immobile.
Au vent, les feuilles des arbres, brins d’herbe, fleurs restantes ; ondes paisibles du jardin qui se mêlaient à celle, foisonnante, de la faune occupée : abeilles, guêpes, minuscules moucherons qui n’étaient que points dans le contrejour du soleil, bourdons et tant d’autres qui vivaient et s’affairaient. Ce jardin était une ville, avait sa propre administration ; qui était-il sinon un intrus ?
Il s’efforçait donc de disparaître, pour ne pas gêner, en s’immobilisant par moment. Prenant racine, le ballet de la nature lui apparaissait clairement : des bébés lézards languissaient sur des pierres chaudes, se mouvaient entre les herbes, des roses respiraient, le tilleul jaunissait ses feuilles ; plus loin le pommier clair-obscur, le chêne stérile et le conifère disparu.
Au fond, la porte sur les champs, qui devaient être en labour à cette époque. Combien de temps qu’elle ne s’était ouverte ? Entre les ombres, sa serrure rouillée, quelque peu grinçante, mais qui, si l’on forçait un peu, s’emploierait avec bonne volonté.
Longues et nombreuses, les ombres des arbres découpaient le jardin en bandes. Entre ombres et lumières. Où était-il, lui ?
Il revint à l’entrée et s’étonna que le portail tînt encore debout ; vieux, délabré, sa peinture un vestige du passé.
Dehors, c’était la rue déserte. Au fond, la maison silencieuse. Surtout, celle qui y habitait autrefois. Ils descendaient du bus, non loin, en revenant du collège. Ils marchaient une ou deux minutes ensemble, jusqu’à ce portail qui devait afficher une autre figure à l’époque. Puis, elle lui disait « au revoir » en souriant. Et c’était tout.
Il repassa le portail. En entrant, ce petit érable du Japon, pas plus grand qu’un enfant, qui semblait vous attendre, vous souhaiter la bienvenue, et le rouge lumineux de ses feuilles aurait été les yeux brillants du jeune garçon, leur lueur d’espoir.
Oui, il était toujours là, cet érable du Japon.
Toujours là.

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