École

Faisant le bilan de sa vie, loin d’être terminée quoique déjà « bien entamée », il se rend compte qu’il n’aura plus le temps, pas les opportunités, pour se faire de nouveaux amis. Cette conclusion pourra étonner par son caractère définitif car n’aurait-il pas, encore, toutes ces « sorties », ces « soirées », ces « bars », où il recevrait de franches tapes dans le dos et pourrait rire ostensiblement ? Bien sûr que si, il aurait tout ça. Mais que serait « tout ça » sinon une galerie de « connaissances » ? Et que serait cette galerie de « connaissances » sinon un puits de vide s’asséchant à mesure du rétrécissement de sa vie ? Alors, pris d’angoisse, il voudra inverser la mécanique : en vain. Il s’apercevra que toutes ces opportunités résidaient dans l’enfance. L’école reviendra à son esprit. Sa merveille n’était pas d’être cette machine d’instruction gratuite, mais cette période prolongée d’insouciance plongé parmi des centaines de ses semblables avec rien d’autre à faire que de les aimer ou de les détester ; elle était cet unique vivier d’amitié qu’il ne retrouverait jamais plus car l’amitié requiert du temps, et vient un jour où il disparaît ; pourtant, cela a été dit, cela sera répété, le malheur de l’homme ne réside pas dans le « pas assez » mais dans son impossibilité de reconnaître « l’assez » – ne pouvoir l’apprécier qu’a posteriori : toujours être à contretemps du bonheur, voilà son malheur. Que peut-il faire ? Prisonnier d’un passé qu’il a laissé filer, otage d’un présent qu’il ne sait aimer, victime d’un futur qu’il redoute, quelle est sa voie, quelle est sa solution ? Elle peut rester introuvable ; voilà la survie, ne pas savoir vivre. Être l’adulte apeuré par le gouffre de ce qu’il entrevoit comme « cette vie misérable, à laquelle il ne sait s’il doit lui donner le nom d’une vie mortelle, ou plutôt d’une mort vivante ». Mieux vaut la première car il n’y a de chose qui en vaille la peine que ce qui peut se perdre, or un mort ne saurait mourir, il faut donc qu’il vive. Il n’est de chose plénitude que de chose vulnérable. Qu’est-ce qu’une forteresse inviolable sinon un mausolée ? Qu’est-ce qu’un être indestructible sinon un dieu solitaire ? Qu’est-ce qu’une fleur éternelle sinon une tige plastifiée ? Quelle serait sa senteur sinon la synthèse inodore d’un polymère ? Là est la clé peut-être, la vie n’est qu’une cascade et le monde une chute générale. Rien ne dure, tout s’efface, et nous, témoins en sursis, traversons ces terres de désolation en suspens ; mais parce que, peut-être, il y aura eu sur notre chemin cette fleur, justement, que nous aurons pu sentir avant qu’elle ne meurt, ou l’odeur du pain sortant du four un matin d’août ; parce que vous aurez vu, peut-être, le ballet des oiseaux amoureux au printemps ou ce coucher de soleil un soir d’hiver alors que vous n’espériez plus ; parce que vous aurez connu cette femme, ou cet homme, dont vous aurez su apprécier l’être et la beauté ; parce que vous aurez su recueillir plutôt que mépriser, parce que vous aurez su aimer plutôt que dédaigner, parce que vous aurez su accepter la « perpétuelle branlance », l’effervescence de la vie se dirigeant vers la mort, plutôt que de vous apitoyer, alors peut-être cela en aura valu la peine, et le jour venu, ce ne sera pas la face grimaçante d’un crâne qui vous recueillera, mais la feuille d’un arbre silencieux, ou un nuage dans le lac céleste et la pluie ultime d’un être qui malgré tout ce qu’il aura subi, ses doutes et sa douleur aura su dire « merci ». Alors une vieille amie sera là, dont vous vous souviendrez qu’elle vous avait donné rendez-vous il y a longtemps, très longtemps de cela, vous ayant promis de vous attendre avec patience, pendant que vous cueilliez tout ce qu’elle n’avait pas encore cueilli.

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