Elle insistait pour que je prisse autre chose que la capricciosa.
— Vous n’êtes pas marié avec quand même !
— Non, Madame, lui répondis-je dignement, car cela est impossible en France, vous n’êtes pas sans le savoir. De plus, on imagine mal qu’une pizza puisse aimer un homme. L’inverse oui, mais cela, non.
Mon raisonnement de la pizza l’exaspéra, cependant elle finit par accepter de m’en prendre la commande.
Le soir nous dinions ensemble et, au détour d’un spaghetti, je m’étranglai. Alors elle se jeta sur ma bouche et me sauva. Nous prîmes le dessert, riant que les secours n’aient eu à se déplacer pour un incident bolognaise. Puis, nous finîmes en quelque contrée de draps et de literie.
Elle s’appelait Anna mais moi je l’appelle Panna, Panna Cotta. Cela l’exaspère aussi mais que voulez-vous, puisque le mariage n’est licite avec une pizza…
Il est un problème avec la guerre en Ukraine, c’est que nous interdisons aux Européens l’accès aux plus belles femmes du monde, à savoir les Russes. Maintenant les Français doivent…
Quand bien même nous le voudrions de tout notre cœur, nous ne pourrions plus rien changer, car la machine a été lancée, nous ne sommes plus que prisonniers d’une inertie…
Lorsqu’il eut traversé les quartiers Lego, les monstrueux bâtiments ; lorsqu’il eut croisé les vagabonds sombres, perdus dans les rues sans lumière ; qu’il eut vaincu les panneaux publicitaires, les…
Il s’était installé à table et avait commandé la « salade du jour » en se demandant quels ingrédients pouvaient bien la composer. Venant d’atterrir, il laissa courir son regard dans la salle. C’était la taverne quelconque d’une périphérie urbaine sans histoire. Très calme, il était l’un des seuls clients, les autres étant probablement des habitués, qui discutaient à voix basse avec le propriétaire au comptoir. « Sûrement de bons bougres » se disait-il sans que je ne sache bien pourquoi. Il était arrivé à la nuit tombée, peut-être voyageur, peut-être représentant en commerce, ou que sais-je. Ses vêtements ne donnaient pas vraiment d’indices, ils étaient tout ce qu’il y a de plus commun, encore que, quand même, il fallait noter un chapeau, un chapeau comme on en avait il y a de cela bien longtemps, quand à la télé noir et blanc on entendait ces voix nasillardes si typiques d’une époque. Hormis cet accessoire anachronique, donc, rien de spécial à signaler. Pour ce qui était du physique, il était entre deux âges et il aurait été difficile de lui en donner un. Vingt-cinq, trente-cinq ans ? Pari trop risqué que nous ne prendrons pas. Sorte de représentant en commerce, donc, qui arrive, à la nuit tombée, à une taverne de périphérie endormie, où les quelques « clients » tiennent plutôt du souvenir que de la réalité. Je crois cependant que le lieu lui plaisait. Il avait dû, je pense, remarquer la très belle serveuse, alors qu’elle lui amenait ladite salade. Fraîche et avenante, un élément de parfaite douceur, glissement de délicieux bien-être. Cette serveuse formait un étonnant contraste entre le morne du lieu et sa vitalité à elle, comme une étonnante joie de vivre qui se serait retrouvée là, par hasard, ne se posant pas la question d’être dans un endroit qui lui correspondrait si peu. Bref, elle était jeune personne délicieuse, cela il se l’était sûrement dit. Elle lui présentait sa salade en souriant sans affectation, sincère, et cela devait tout de même lui être très agréable et, indépendamment de la qualité intrinsèque de la « salade » qu’il dégusterait, devait la lui rendre un peu plus appréciable encore qu’elle ne le fût réellement. Cependant, il ne la regarda pas lorsqu’elle s’éloigna et porta plutôt son attention sur cette fameuse « salade du jour » qui l’avait tant intrigué.
C’était une salade simple, en convenait-il d’abord sans que cela ne soit pour lui une mauvaise chose. Il devinait plusieurs légumes et féculents, entre autres, pois chiches et maïs. Des artichauts, aussi, par-ci par-là, discrets amis végétaux qui attendaient avec calme et élégance, des feuilles de salades, bien visibles celles-ci, d’un vert clair comme il les aimait, ainsi que d’autres petites choses. Du thon, notamment, émietté sans chichi mais sûrement avec amour. Enfin, qui donnait à l’ensemble un aspect brillant, la jolie vinaigrette, qu’il devinait « de la maison ». Pour s’accompagner il n’avait pris ni alcool ni quoi que ce soit mais simplement un verre d’eau carafe. Il commença la dégustation. D’abord, le farineux des pois chiches, la légère membrane qui se craquelait lorsqu’il mordit dedans, et la petite purée qu’ils formèrent ensuite dans sa bouche à mesure qu’il mastiquait. Venait s’ajouter le croquant du maïs, jaunissant joyeusement l’impression du pois beige. Entre les deux, se glissait délicatement une feuille de salade. Croquante d’abord, puis, laissant place à la consistance laitue, légèrement humide, qui diffusait délicatement sa fraîcheur sur le palais, indiquant qu’elle était très probablement de « ce matin ».
Ce triptyque était déjà en soi très appréciable et lui procurait un plaisir gustatif certain. Partant du palais, se diffusant au reste du corps par les neurones qui portaient la nouvelle du bon mets à son cerveau et autres. Cependant, venaient s’ajouter à cet état de pré-jubilation les artichauts. Leur juteux légèrement acide, leur cœur moelleux et le fibreux de leurs membranes, dualité intéressante de ce légume qui le rendait en lui-même déjà digne d’être célébré, mais où, s’étant coincés gentiment dans certains de ses interstices, des petits morceaux de thons venaient apporter leur légère touche protéinée, leur goût marin et poissonnier, tandis qu’en arrière-bouche revenaient le croquant du maïs, la presque purée de pois chiches et la fraîcheur de la laitue, le tout formant cette merveilleuse harmonie, parachevée par l’attaque piquante de la vinaigrette « maison », elle-même tempérée presqu’aussitôt par le gourmand de l’huile – sûrement d’olive.
Repoussant son assiette, aucun doute ne devait subsister quant à la pensée que ce fût une « très bonne salade » et sûrement remerciait-il d’une manière ou d’une autre la Providence qui lui avait fait pousser la porte de cet établissement somme toute anonyme.
Cependant, lorsqu’on viendrait lui proposer, en suite du repas, un petit plateau de fromages ou un dessert, alors, bien qu’étant certain que ces deux chères répondraient au diapason de la « salade du jour » et seraient, à leur façon, tout aussi merveilleuses de simplicité et de délice, il déclinerait la proposition. On s’étonnerait de sa réponse car il avait semblé réellement apprécier la salade. Cependant, il s’en expliquerait alors, lorsque, réglant la note et remettant son chapeau sur sa tête, il partirait en disant : « merci, mais c’est bien assez d’une très bonne salade pour une soirée ».
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Il chercha un endroit qui ne sentît ni les pots d’échappement ni les ordures, ni le feu putride de la cigarette, un endroit où, ne serait-ce qu’un seul instant il pût respirer mais il n’en trouva aucun et il mourut. La puanteur et le bitume l’asphyxièrent jusqu’à son dernier souffle, le firent se sentir jusqu’au bout piégé, agressé, maltraité, jusqu’à cette délivrance qui n’en fut pas une mais fut cette mise à mort immonde et noirâtre, noire de tout ce que dégoulinaient ses poumons. Le médecin parlera de « pollution » mais derrière ce terme très vague qui ne dira rien et tant de choses son vécu restera un intouché, chose abstraite dont nous ne connaîtrons ni la détresse ni la misère, l’insoupçonné de se sentir petite chose insignifiante et sans défense, continuellement brutalisée, cherchant désespérément là où et quand trouver une bulle d’air, emportant peut-être avec elle le souvenir évanescent de sa campagne d’enfance mais cela étant hautement improbable car jusqu’à son idée même avait été confisquée, enfumée, brûlée, pétaradée, tabatifiée, bitumifiée, simplement morte et pulvérisée sous les amoncelas quotidiens de cette urbaine dégénérescence débile et mortifère qui jusqu’au bout l’auront intoxiqué, lui, pris dans le carnaval Pollution, battant inlassablement spectacle et allant en cercle : des pollueurs aux pollués et des pollueurs pollués.
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