Il était seul.
Fût-il entouré de gens, d’autres humains…, fût-il dans un endroit… crowded…, eut-il pu sentir la sueur, la puanteur, ou la douceur d’une autre… personne… ; tout cela n’eût fait aucune différence : il était seul.
Machinalement se levait son bras, régulier en était l’intervalle, bien huilée, la mécanique. Perdus dans le vide, vitreux étaient ses yeux. Immobile, le reste. Aveugle sans l’être. Mort sans l’être. Un épouvantail, sans devenir.
Quelque chose lui restait, néanmoins, c’était ce petit mouvement, quand le petit objet qu’il tenait dans sa main, et qui semblait l’empêcher de tout bonnement s’écrouler, venait à s’être vidé, oui, ce petit mouvement où, il tapotait très faiblement la table, et où, bien vite après, apparaissait dans sa main un autre petit objet, en tout point similaire au précédent, et qui lui permettait, à nouveau, c’est ce qui semblait, qu’il ne s’écroulât pas sur le sol en crevant comme un chien.
Oui, la terre eut pu s’effondrer autour de lui, tant qu’il tenait cette chose, remplie, dans sa main, il aurait continué à être là, sans s’en apercevoir.
Oui, le bras continuait de se lever, de se baisser, le tapotement sur la table intervenait encore lorsque nécessaire, et ce circuit roulerait sans interruption, toute la soirée.
Que pouvait bien penser un homme dans cet état, à cet instant ? Peut-être, ne pensait-il même plus. Plus qu’une masse inerte et silencieuse ; qu’un homme reste trop longtemps triste, et sa tristesse n’aura plus besoin de motif, elle le sera devenue : il est mieux être triste que ne rien être.
Mais, peut-être, tandis que, sans raison, il braque soudain son regard sur le liquide que contient son verre, il aperçoit son reflet. Qu’y voit-il ? Sa vie passée ? Y défile-t-elle, alors que lui a renoncé ? Lui revient-il soudain, entre autres choses, par hasard, cette femme, qu’il a, dans un lointain, aimée ? Est-ce la douleur, qu’il sent alors ? Celle, qu’il avait oubliée ? Voulu oubliée… Se racle-t-il la gorge pour cracher sur le sol pendant que ces souvenirs étranges l’assaillent ?
Non, très certainement que non. Très certainement que l’image liquide a disparu dans sa bouche lorsque le corps a repris son automatisme. Très certainement a-t-il vidé ce petit objet, puis, très certainement, en a-t-il rapidement eu un autre dans la main, puis, encore un autre, et ainsi de suite. Oui, très certainement que durant toute la soirée, il a continué, à tout vider. Jusqu’à ce qu’il ne restât plus rien. Pas même lui.

Pour découvrir d’autres textes :