Notre chanson va s’écrire à la féminine. On s’offusquera que ce soit une voix masculine qui s’y emploie, mais nous ne nous formaliserons pas de cette objection.
Nous retrouvons une belle jeune fille seule. Sa table est fumante et triste. Flasque est la tasse qu’on lui sert, froide à ses lèvres en est la boisson… Ah, mais quand s’éloignera la morte grisaille ?
Se perdant dans la rêverie de chastes ondées, elle frémit lorsqu’elle crut être touchée. La peau tremblante, elle regarde à travers la fenêtre pour changer ses idées : que n’y voit-elle ! À travers cette intéressante vitre, ce sont de brunes prunelles encadrées de boucles dorées : la plus jolie tête qu’il soit possible d’imaginer. Mais aussitôt l’image s’en est allée – vite ! Lançant les piécettes de son addition elle s’élance à pleine volée.
À force sueur elle rattrape la belle inconnue. Que se disent ces fraîches nymphées ? Profonde est la voix de la belle étrangère, saillante est l’impression qui en résulte. Face à cette pierre solide, meuble comme l’argile est la silhouette de notre héroïne ; fébrile la glaise de sa bouche et frivoles les phrases ne sachant s’y former.
Qu’à cela ne tienne, oublions les vaines paroles et prenons bien plutôt nos guiboles. Voici nos deux sirènes dans la nature arnachée, zigzaguant entre les toiles tendues de l’espérance d’une belle soirée.
Partie cueillir quelques roses émasculées, notre amourachée retourne les offrir à son honorée. Sur une rive virile celle-ci commence à se déshabiller tandis qu’apparaît la Lune, rieuse argentée. À sa lueur une forte silhouette se dépose sur l’eau immobile, glace éphémère où se reflète entre autres choses : une verge, ma foi bien montée…
Bien plutôt ombres que lumières, les amours ne sont pas toujours ce qu’elles semblent ; leur jeunesse a les couleurs de l’aurore qui les a vu naître tandis que leur vie revêt celles changeantes de la journée. Enfin, telle fumée, elles n’apparaissent que pour se disperser : esclaves des bourrasques.

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